Batteries : quels verrous technologiques s’opposent au déploiement du véhicule électrique ?

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Renaud Bouchet,  professeur à Grenoble INP – Phelma, chercheur au LEPMI,  ©Grenoble INP
Renaud Bouchet , professeur à Grenoble INP – Phelma, chercheur au LEPMI, et expert en batteries ©Grenoble INP
Trois questions à Renaud Bouchet, professeur à Grenoble INP – Phelma, chercheur au LEPMI, et expert en batteries.

Quels sont, côté batteries, les freins au déploiement du véhicule tout électrique ?

Renaud Bouchet La technologie choisie doit être compatible avec les attentes des utilisateurs en termes de coût, d’autonomie et de sécurité. Aujourd’hui, en raison de leurs performances, les batteries lithium-ion équipent la plupart des véhicules électriques. Or, le coût moyen de cette technologie pour une batterie de 40 kWh est d’environ 20 000 dollars. Si l’on veut démocratiser ces véhicules, il faut baisser drastiquement le coût des batteries. Ensuite l’autonomie. Aujourd’hui, se pose le problème du nombre de kilomètres réalisés avec une seule charge, mais également du temps de charge. Avec une autonomie de 250 km, il faudrait doubler pour répondre aux besoins courants des utilisateurs. Enfin, la sécurité, qui peut être entravée par la présence d’électrolytes liquides inflammables. 

Quelles sont les solutions envisagées pour augmenter l’autonomie des batteries ? 

R. B. Pour gagner en autonomie et donc en puissance, deux options : augmenter la tension du système, ou augmenter la quantité d’électricité échangée par kilo de batterie, c’est-à-dire la capacité. Pour cela, la solution la plus simple et la plus rapide en termes de développement est d’améliorer les propriétés des batteries Li-ion grâce à des matériaux à haut potentiel. Plusieurs chimies sont actuellement à l’étude, dont certaines au sein du laboratoire : dans le cadre d’un projet Carnot Énergies du Futur commun avec le Laboratoire science et ingénierie des matériaux et procédés (SIMaP), nous travaillons sur des matériaux à haut potentiel pour l’électrode positive. Objectif : réaliser des batteries de 4,8 V, soit 25% d’énergie directement en plus par rapport aux batteries Li-ion actuelles.

D’autres chimies que le Li-ion sont-elles envisagées ?

R. B. Oui, bien sûr. Parmi elles, la technologie Lithium-soufre, qui est un matériau abondant, peu onéreux et peu polluant. Dans ce cas, on ne joue plus sur le potentiel, mais sur la quantité d’électricité que l’on peut échanger. Une technologie Li-soufre performante permettrait d’atteindre les 500 Wh/kg d’énergie au début, puis 800 à terme. À titre de comparaison, la meilleure batterie Li-ion produite à l’heure actuelle atteint 250 Wh/kg. Toutefois, de nombreux verrous scientifiques restent à lever. Ici, le lithium se trouve sous forme métallique et non sous forme d’ions. Ce ne sont donc pas les mêmes filières de production et il reste de vrais problèmes scientifiques à résoudre. Nous avons plusieurs thèses en cours sur ces thématiques et des projets en partenariat avec le CEA.

Publié le14 juin 2017
Mis à jour le13 juin 2017