La pollution de l’air pourrait influencer le déroulement du cycle menstruel

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Les polluants atmosphériques pourraient-ils avoir un impact sur le bon déroulement du cycle menstruel ? C’est la question sur laquelle s’est penchée une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm Rémy Slama au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS [1]/Université Grenoble Alpes). Les dosages hormonaux réalisés dans les urines de 184 femmes durant un cycle menstruel complet ont été mis en relation avec les niveaux de pollution auxquels ces femmes étaient exposées durant les 30 jours précédant ce cycle. Les chercheurs ont observé une association entre la concentration de particules fines dans l’air et la durée de la phase folliculaire du cycle (la phase précédant l’ovulation), cette dernière tendant à augmenter avec les niveaux de pollution.
Ces résultats originaux publiés dans Environmental Pollution incitent à mettre en place des études à plus grande échelle afin de confirmer ces résultats.

La pollution atmosphérique contient des milliers de composants gazeux, liquides et solides. De nombreuses études ont déjà démontré les effets toxiques de plusieurs de ces composants et en particulier des particules fines. Une fraction de ces polluants inhalés peut en effet atteindre, au-delà des poumons, la circulation sanguine, le cœur, le cerveau et les organes reproducteurs. Si les effets sur la mortalité et la fonction cardiovasculaire sont bien caractérisés, concernant la fonction de reproduction, c’est principalement un effet sur la croissance du fœtus et le risque de prééclampsie qui sont probables. Jusqu’à présent cependant, très peu d’études ont examiné l’impact de la pollution sur l’activité ovarienne et les différentes phases du cycle menstruel.

Le cycle menstruel est divisé en deux phases principales séparées par l’ovulation : la phase folliculaire, qui correspond à la croissance d’un ovocyte jusqu’à l’ovulation, et la phase lutéale, qui se situe après l’ovulation. La bonne régulation de ces phases est assurée par l’axe hypothalamo-hypophysaire-ovarien, chaîne de transmission d’informations hormonales entre l’hypothalamus dans le cerveau, l’hypophyse (la glande située sous l’hypothalamus) et les ovaires, lui-même influencé par d’autres chaînes de régulation hormonales. Or certains travaux suggèrent que cet axe peut être altéré par l’exposition aux particules fines.

Une équipe de recherche dirigée par Rémy Slama, chercheur Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes) s’est intéressée aux potentiels effets à court terme d’une exposition récente aux polluants atmosphériques sur la durée du cycle menstruel et de ses deux phases.

Dans le cadre de l’Observatoire de la fertilité en France (Obseff) [2], les chercheurs ont recruté et suivi 184 femmes n’utilisant pas de contraception hormonale. Ces dernières ont accepté de recueillir de l’urine tous les un ou deux jours durant un cycle complet. Des dosages hormonaux ont ensuite permis d’évaluer le jour correspondant à l’ovulation et de quantifier la durée de la phase folliculaire et de la phase lutéale.

Les niveaux de pollution (particules fines ou PM10 et dioxyde d’azote) à l’adresse du domicile de ces femmes ont été estimés et moyennés durant les 30 jours précédant le cycle [3], via les informations fournies par le réseau des stations de mesure permanentes et un modèle national.
Les chercheurs ont observé que chaque augmentation de 10 µg/m3 de la concentration en particules fines (PM10) dans l’air sur la période de 30 jours avant le cycle considéré était associée à une augmentation de durée de la phase folliculaire d’environ 0,7 jour. En revanche, aucune variation nette de la durée de la phase lutéale ou de la durée totale du cycle n’a été constatée.

Selon Rémy Slama « Ces résultats sont cohérents avec les données plus fondamentales suggérant que la pollution atmosphérique peut perturber l’axe qui contrôle le cycle menstruel, et les hormones de stress comme le cortisol, qui peuvent l’influencer. »

 Il conclut « Il s’agit de travaux originaux qui génèrent une hypothèse nouvelle. Il faudra probablement un certain temps pour l’infirmer ou la confirmer sur de plus grands échantillons de population, étant donné le coût et l’effort que représentent de telles études. »
 
Notes
[1] Autre laboratoire impliqué : Mathématiques appliquées à Paris 5 (CNRS/Université de Paris)
[2] L’Observatoire épidémiologique de la fertilité en France est une vaste étude représentative réalisée par l’Inserm en 2007-2009 avec le soutien de Santé Publique France, de l’ANR et de l’ANSES, qui avait permis de fournir une description de la fréquence de l’hypofertilité sur le territoire. Environ 50 000 foyers avaient été contactés pour permettre l’identification d’environ un millier de femmes en âge de se reproduire et n’utilisant aucune méthode contraceptive ; un sous-groupe d’entre elles ont accepté de participer à cette étude.
[3] Pour des raisons liées aux biais de confusion pouvant survenir quand on s’intéresse aux effets à long terme de l’exposition et à l’existence d’une étude expérimentale chez l’animal suggérant un effet à court terme, les chercheurs se sont restreints à une fenêtre correspondant au cycle menstruel précédant celui durant lequel ils ont mesuré les paramètres hormonaux.
Publié le17 décembre 2019
Mis à jour le27 avril 2022