Les cours d’eau intermittents participent aux émissions globales de CO2

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La première étude du rôle des cours d'eau intermittents dans le cycle global du carbone révèle des niveaux parfois très élevés de consommation d’O2 et d’émission de CO2 durant leurs phases de remise en eau.
Ces résultats ont été publiés le 21 mai 2018 dans la revue Nature Geoscience.

Une étude menée par des chercheurs de l’Irstea, du Laboratoire d’écologie alpine (LECA) [1], de l’Université du Pays Basque et du Leibniz-Institute of freshwater ecology and inland fisheries, avec 94 partenaires internationaux, a permis d’évaluer pour la première fois le rôle des cours d’eau intermittents dans le cycle global du carbone. En quantifiant et en analysant les litières terrestres accumulées dans 212 cours d’eau intermittents dans le monde puis reliant ces données aux variables climatiques, géomorphologiques et de régimes hydrologiques, les chercheurs ont relevé des niveaux parfois très élevés de consommation d’O2 et d’émission de CO2 durant les phases de remise en eau.

Les cours d’eau intermittents cessent parfois de s’écouler et peuvent s’assécher complètement, on parle de phases d’assecs. Bien qu’ils représentent sans doute la moitié du réseau fluvial mondial, ils ont été beaucoup moins étudiés que les cours d’eau permanents, notamment en ce qui concerne leur contribution au cycle global du carbone.

Lorsque le cours d’eau s’assèche, de la litière végétale terrestre composée principalement de feuilles et de bois, s’accumule dans le lit. La composition et la quantité de celle-ci varie en fonction de plusieurs paramètres comme le climat, la végétation rivulaire, la largeur du cours d’eau, la durée de la phase sèche, le régime d’écoulement... Lors des épisodes de remises en eau, le devenir de cette litière est assez méconnu.

Afin de savoir ce qu’il advenait de cette litière et pour comprendre le rôle des cours d’eau intermittents dans le cycle global du carbone, le projet international collaboratif "1000 Rivières intermittentes" a permis de collecter des échantillons de litière terrestre accumulée durant les phases d’assecs dans 212 rivières intermittentes de 22 pays. Les échantillons ont été analysés au laboratoire DYNAM d’Irstea et au Laboratoire d’Ecologie Alpine de Grenoble. De courtes inondations artificielles et standardisées simulant une remise en eau ont été réalisées. Une forte activité microbienne a été observée libérant une quantité importante de CO2 dans l’atmosphère. Ainsi, par extrapolation, les émissions quotidiennes de CO2 provenant des cours d’eau augmenteraient de 7 à 152 % si les cours d’eau intermittents étaient inclus avec les cours d’eau pérennes. Une seule remise en eau contribuerait pour environ 3 à 10% de cette augmentation.

Face au changement climatique et à l’augmentation de la demande en eau, les cours d’eau intermittents pourraient dominer le paysage dans certaines régions du monde. Négliger le rôle des cours d’eau intermittents conduirait à une sous-estimation notable de la contribution des systèmes aquatiques mondiaux aux émissions de CO2 dans l'atmosphère. Il est urgent d'intégrer ces cours d’eau dans les études dédiées à la contribution des écosystèmes d’eau douce au cycle global du carbone. Les prochaines étapes consisteront également à intégrer les résultats obtenus dans les modèles de décomposition des litières terrestres à l’échelle globale.

  1. CNRS / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc.


Publié le21 mai 2018
Mis à jour le24 mai 2018