Pour leur survie, les parasites responsables du paludisme et de la toxoplasmose dépendent de mécanismes hérités du monde végétal. Une découverte qui représente une avancée majeure pour le développement de nouvelles cibles thérapeutiques contre ces parasites, aux conséquences importantes en matière de santé publique.
C’est ce que vient de montrer une équipe de chercheurs du CNRS (
1) (Institute for Advanced Biosciences, CNRS / Inserm / Université Grenoble Alpes) et de l’université de Melbourne (
2), qui publient deux études dans les revues Cell Microbiology et PLOS Pathogens.
Les Apicomplexa sont un groupe de parasites responsables de maladies graves chez l’homme, telles que le paludisme (ou malaria) et la toxoplasmose. Les parasites responsables de ces deux maladies infectent plusieurs centaines de millions de personnes chaque année et causent la mort de près d’un million d’entre elles (des enfants et des patients immunodéficients, pour la plupart) (
3). L’absence de vaccin efficace et l’émergence rapide de souches multi-résistantes aux traitements (
4) soulignent l’urgence de développer de nouvelles voies thérapeutiques.
Biologiquement, ces parasites et l’homme partagent presque tout, d’où la difficulté de mettre au point des traitements efficaces avec peu d’effets secondaires. Mais depuis une quinzaine d’années, les recherches ont révélé, de manière surprenante, des caractéristiques biologiques communes avec les plantes. Ils possèdent par exemple un compartiment appelé "apicoplaste", vestige d’une algue microscopique qu’aurait incorporé l’ancêtre de ces parasites. En collaboration avec des collègues australiens, l’équipe de Cyrille Botté, chercheur CNRS à l’Institute for Advanced Biosciences, à Grenoble, vient de démontrer que l’un de ces caractères est essentiel à la prolifération, dans les cellules humaines, des parasites du paludisme et de la toxoplasmose.
Pendant certaines phases de leur cycle, ces parasites se multiplient activement, ce qui mobilise de grandes quantités de lipides, constituants essentiels des membranes biologiques. L’équipe a démontré pour la première fois que le compartiment d’origine végétale (l’apicoplaste) génère un précurseur nécessaire à la synthèse de la majorité des lipides membranaires du parasite, et a suivi le devenir de ce précurseur dans les membranes du parasite.
En outre, par une technique d’inactivation génétique de cette voie végétale, l’équipe a pu démontrer in vitro la mort du parasite lors de phases aiguës de la toxoplasmose ainsi que lors du stade de développement hépatocytaire (
5) du paludisme.
Cette découverte d’un "talon d’Achille" végétal des parasites de la toxoplasmose et du paludisme ouvre la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques, ciblant uniquement le parasite sans affecter l’homme.
Parasite de la malaria à l’intérieur de cellules de foie humaines. © Melanie J Shears
A gauche, le parasite se divise normalement (nombreux noyaux bleus de petite taille au centre de l’image, marqueur de l’apicoplaste en rouge, superposé à une enzyme de la voie de synthèse des lipides, en vert).
A droite, la division est bloquée (réduction du nombre de noyaux et d’apicoplastes) suite à l’inhibition des voies végétales (absence du marquage vert).
Notes
1 : Equipe Apicolipid.
2 : Autres laboratoires et organismes impliqués : en France, le laboratoire TIMC-IMAG (CNRS/Grenoble INP/Université Grenoble Alpes) et le Laboratoire de physiologie cellulaire végétale (CNRS/Inra/CEA/Université Grenoble Alpes) ; en Australie, l’université Deakin et l’université nationale australienne ; aux États-Unis, l’université John Hopkins et l’université d’État de Pennsylvanie ; au Royaume-Uni, l’Institut Francis Crick.
3 : Source : OMS, 2015.
4 : Notamment à l’artémisinine, molécule dont la découverte a été récompensée par le prix Nobel de médecine en 2015, et pour lequel des résistances ont été découvertes en 2007, après seulement quelques années d’utilisation sur le terrain.
5 : Dans les cellules du foie