Avec les confinements, nous pouvons nous attendre à une augmentation de notre facture énergétique d’environ 30 %.
En 2019 en France, parmi les dépenses de consommation énergétique liées au logement, 72 % concernaient uniquement le chauffage et l’eau chaude sanitaire.
Si de nombreuses politiques publiques sont mises en place pour inciter les ménages à rénover leur logement, une grande partie des gains en efficacité pourraient être atténués par l’augmentation de la taille des logements, mais surtout par le comportement des ménages.
Ainsi, dans un contexte où les taux d’occupation des logements sont plus importants, comme pendant le premier et le second confinement – qui ont eu lieu respectivement au printemps et à l’automne (période pendant laquelle on chauffe les logements, même si le climat est clément) – on aurait pu s’attendre à une hausse de la facture énergétique des ménages, même si nous ne disposons pas encore de ces données.
La consommation d’énergie varie en effet en fonction des préférences thermiques, de la température de chauffage et des taux moyens d’occupation. Un bon moyen pour illustrer statistiquement ce phénomène consiste à recourir à des données d’enquête comme celles de la base Phébus de 2012.
Efficacité thermique et précarité énergétique
En s’appuyant sur ces données, on peut remarquer – en fonction de l’étiquette de performance énergétique (basée sur les diagnostics de performance énergétique ou DPE) et donc de la qualité énergétique du bâtiment – que les catégories les plus représentées sont les D et E et qu’en moyenne les ménages à faibles revenus vivent plutôt dans les étiquettes les plus basses.
En moyenne, la température déclarée à l’intérieur des logements en période de chauffe est plus faible (19,8 °C) dans les logements les moins bien isolés comparés aux logements les plus efficaces (20,2 °C), avec des disparités plus prononcées pour les logements de la catégorie G (+ ou -2 °C en moyenne), selon nos calculs à partir des données de Phébus.
Environ un quart des ménages français déclarent s’imposer des restrictions de chauffage, et cette part de la population se caractérise par un budget total plus faible (7100 euros de moins en moyenne par an). Parmi les Français, 17,7 % des ménages ont déclaré souffrir de froid pendant au moins 24 heures pendant l’hiver ; ils sont 16,1 % à vivre dans un logement classé D ou inférieur. On notera aussi que ces ménages sont ceux qui ont de nouveau les revenus les moins élevés.
Confinements : l’explosion des factures ?
Si on combine ces informations avec celle du taux d’occupation, on peut s’interroger sur le comportement que les ménages ont adopté pendant les deux confinements.
Lors d’une semaine ordinaire, plus des deux tiers des ménages déclarent s’absenter de leur logement sur une durée allant de 4 à 8 heures, au moins un jour par semaine. Un week-end ordinaire, c’est le cas de 17 % des ménages le samedi et de 15 % le dimanche.
Lorsqu’un ménage occupe son logement quasiment toute la journée, il dépense annuellement en moyenne 1 746 euros contre 1 250 euros pour un ménage absent la moitié du temps (soit plus de 12 heures). Si on raisonne en quantité d’énergie, cela représente quasiment 40 kWh/m2/an.
Nous pouvons tous faire le calcul : si nous avions l’habitude de quitter notre logement la moitié de la journée et que nous nous sommes retrouvés confinés, nous pouvons nous attendre à une augmentation de notre facture énergétique d’environ 30 %.
Ce surcoût est lié à tous les usages confondus : l’eau chaude sanitaire que nous avons utilisée, mais également les appareils électriques que nous avons fait fonctionner, sans mentionner le chauffage que nous avons peut-être décidé d’augmenter pour accroître notre confort pendant le télétravail. En moyenne, un degré supplémentaire de chauffage, c’est 6,2 % de consommation supplémentaire. Avec un coût moyen du kilowatt-heure d’électricité de 0,1899 € TTC et du gaz de 0,0792 € TTC pour le premier semestre 2020, faites vos calculs !
Le risque d’autorestriction
Cette surconsommation énergétique liée à notre taux d’occupation plus important va par ailleurs inciter certains ménages au budget contraint à limiter ces coûts. Dans ce contexte, le comportement reste un facteur clé de la consommation.
Si la part des dépenses énergétiques de logement représente en moyenne 5,7 % du budget des ménages, plus de 11 % des ménages français sont concernés par un phénomène de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leur budget à leur facture énergétique pour le logement. Ces derniers sont d’autant plus vulnérables qu’ils vivent souvent dans les logements les moins bien isolés.
À un moment donné, la dépense d’énergie ne peut plus excéder un certain montant sans provoquer des phénomènes d’autorestriction et donc une perte de confort thermique qui à terme peuvent générer des pathologies.
En 2012, par exemple, environ 15 % des ménages français déclaraient avoir périodiquement baissé la température ou éteint le chauffage de leur logement au cours de l’hiver précédent. Le phénomène touche essentiellement des personnes à bas revenu, vivant dans des logements collectifs du secteur privé, des familles nombreuses et des retraités.
Un enjeu de santé publique
L’inconfort hygrothermique, fortement lié à l’efficience énergétique de l’habitat, est à l’origine de nombreuses pathologies respiratoires et cardiovasculaires : l’Organisation mondiale de la santé estime qu’en dessous de 16 °C, un logement peut avoir des effets délétères sur la santé des individus. Les faibles températures à l’intérieur des habitations provoquent annuellement 12,8 décès pour 100 000 habitants.
La hausse des factures d’énergie cause à terme des dégâts plus importants : les ménages pour qui elles représentent un poids trop lourd étant tentés de réduire d’autres postes de dépenses, comme l’alimentation.
En cette période de crise sanitaire, la question de la maîtrise de la demande d’énergie et l’amélioration de la performance énergétique du parc résidentiel français apparaît comme un défi majeur qui combine enjeux environnementaux et sociaux.
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