The Conversation : "Halloween : des histoires de sorcières à faire lire aux enfants"
La première figure, celle de la sorcière diabolique, souvent représentée comme vieille et laide, provient directement de la Renaissance quand la chasse aux sorcières battait son plein en Europe et au nord du continent américain. De nombreux clichés négatifs fabriqués à cette époque – tels que le nez crochu, le balai magique, ou le sabbat, ces assemblées nocturnes de sorcières – se sont infiltrés dans la littérature de jeunesse à travers les contes de fée.
Comme l’explique Mona Chollet dans son ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes, à partir de 1900 et de la publication du Magicien d’Oz de Frank Baum, la figure de la « bonne sorcière » (Glinda, la bonne sorcière du sud) est apparue en littérature. De nombreux ouvrages ont continué dans cette lignée au XXe et XXIe siècles en mettant en scène des sorcières sympathiques qui utilisent leur magie pour le bien.
Sorcières et magie blanche
Un des premiers livres de jeunesse à raconter les aventures d’une gentille sorcière est Amandine Malabul (titre original The Worst Witch) de Jill Murphy, publié en 1974. Cet ouvrage mélange à la fois une histoire d’école et une histoire de magie pour créer une nouvelle sous-catégorie en littérature de jeunesse, devenue internationalement connue avec la série des Harry Potter. Amandine Malabul est l’histoire d’une petite sorcière, très malhabile et malchanceuse, qui entre en sixième à l’Académie Supérieure de Sorcellerie. Elle n’arrive pas à jeter des sorts, son chat tigré (et non noir comme le veut l’école) n’arrive pas à tenir sur son balai et elle a même transformé une de ses camarades en cochon sans le faire exprès ! Cette série de huit livres (publiés entre 1974 et 2018) est très accessible aux jeunes lecteurs et peut se prolonger avec les trois saisons de l’adaptation Netflix (2017-2019) du même nom.
Même la littérature française de jeunesse présente de petites sorcières maladroites et inoffensives, comme Touloupé qui, malgré son implication, n’arrive pas à mettre en pratique les enseignements qu’elle reçoit. Dans ces histoires écrites par Calouan, illustrées par Cynthia Bernabé et publiées par les éditions Lutin Malin règnent un sourire et une bonne humeur propices à conquérir les jeunes lecteurs.
Humour et magie noire
En ce qui concerne les figures négatives, les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari, publiés en 1967, sont un fameux exemple, avec les portraits de la sorcière de la rue Mouffetard et de la sorcière du placard aux balais. La première, qui vit à Paris, dans le quartier des Gobelins, découvre un jour en lisant un communiqué dans le Journal des sorcières que, pour devenir jeune et jolie, il faut manger une petite fille dont le prénom commence par la lettre N. Pas loin de là, dans la rue Broca, où, comme on lit dans la préface du recueil, les gens ont en commun l’amour pour les histoires, vivent Bachir et sa sœur Nadia : la petite fille qui pourrait l’aider à réaliser son rêve !
La vieille sorcière de la rue Mouffetard pense donc à tous les stratagèmes possibles pour la piéger et l’emporter. Hélas, tout se révèle inutile jusqu’au jour où elle arrive à l’enfermer dans un tiroir-caisse. Avec beaucoup d’ironie et une petite pincée de macabre, Pierre Gripari raconte à ses petits lecteurs l’histoire de cette sorcière affreuse et cruelle, tout en leur faisant découvrir la force du lien fraternel.
Dans le conte de « La Sorcière du placard aux balais », le lecteur suit l’aventure de Monsieur Pierre qui a acheté une maison hantée. Ayant malheureusement prononcé l’incantation magique après la tombée de la nuit (« Sorcière, sorcière, prend garde à ton derrière ! ») il se retrouve contraint de demander trois choses impossibles à la sorcière sinon celle-ci l’emportera. L’histoire suit la structure d’un conte de fées traditionnel avec trois épreuves successives pour le héros, tout en intercalant des détails contemporains créant un décalage humoristique pour le lecteur.
Sacrées sorcières
Dans Sacrées Sorcières de Roald Dahl, les sorcières se cachent parmi nous pour mener à bien leur plan machiavélique : faire disparaître les enfants. Notre héros, un garçon de sept ans, et sa grand-mère vont se retrouver malencontreusement au congrès des sorcières en présence de la grandissime sorcière, qui hait les enfants plus que tout. Le style décalé de Dahl, que l’on connaît bien à travers Charlie et la Chocolaterie, Matilda, Le Bon Gros Géant, ne fait pas défaut à cette œuvre de 1983, qui est conseillée par Gallimard à partir de neuf ans.
Un film de 1990 du même nom peut compléter la lecture (même si celui-ci s’adresse à des enfants un peu plus mûrs) et, en 2020, un second film inspiré de Roald Dahl sortira en salles.
Indémodable conte
Et comment oublier la sorcière qui depuis longtemps fascine, ou bien effraie, tous les enfants ? Cette sorcière sans balai ni chapeau noir, mais dont les instruments du pouvoir sont un miroir magique et une pomme rouge empoisonnée ? Parmi les nombreuses réécritures de Blanche-Neige, l’album mis en images par Mayalen Goust, et dont le texte reprend assez fidèlement celui des Frères Grimm, est un exemple extraordinaire du résultat qui peut découler de la rencontre entre un conte intemporel et des illustrations originales et spectaculaires.
La marâtre, envieuse de la beauté de la petite Blanche-Neige, incarne toutes les caractéristiques les plus négatives d’une sorcière méchante et cruelle. L’album de Mayalen Goust peut être lu en famille ou par les enfants seuls s’ils ont envie de (re)découvrir ce classique de la littérature de jeunesse.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Mis à jour le27 avril 2022
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Les autrices
Eléonore Cartellier
Docteur en littérature britannique
Université Grenoble Alpes
Chiara Ramero
Docteur en littérature française
Université Grenoble Alpes