Des chercheurs proposent dans cette étude, un nouveau mécanisme de la géodynamique crustale "descendant", de la croûte supérieure vers la croûte inférieure.
Des chercheurs de l’Institut des sciences de la Terre de Grenoble (Université Grenoble Alpes / CNRS / IRD / IFSTTAR / Université de Savoie Mont Blanc), de l’Université d’Oslo et de l’Université de Californie du Sud proposent un nouveau mécanisme pour la géodynamique de la croûte terrestre qui lie pour la première fois les transformations de la croûte inférieure aux déformations de la croûte supérieure. L’évolution de la composition et de la structure des roches formant la croûte terrestre inférieure contrôle en grande partie le comportement de la lithosphère lors de processus tectoniques tels que la formation des montagnes, l’affaissement des bassins sédimentaires, l’ouverture des rifts ou la formation de plateaux continentaux. Comprendre ces mécanismes est donc primordial. Or, leurs analyses, publiées le 26 avril 2018 dans
Nature, suggèrent que
ce sont les séismes survenant dans la croûte supérieure qui endommagent significativement la croûte inférieure rendant possible la circulation de fluides et le métamorphisme des roches.
De récentes études ont montré qu'avant la formation d’une chaîne de montagnes (orogenèse), la croûte inférieure est composée de roches de type granulites qui sont riches en fer et magnésium, sèches, imperméables et mécaniquement résistantes. Au cours d'un événement orogénique, ce sont les infiltrations de fluides, le long des zones de cisaillement ou de fractures, qui hydratent progressivement ces roches, les transformant en éclogites, roches plus denses et mécaniquement plus faibles. L’observation de ce métamorphisme témoigne d’un endommagement précoce d’origine sismique, jusqu’ici inexplicable dans les conditions de pression élevées de la croûte inférieure où les roches ne devraient pas produire de séismes.
Pour François Renard, professeur à l’UGA et chercheur à l’Institut des sciences de la Terre de Grenoble et ses collègues internationaux, c’est
l'activité sismique régulière dans la croûte supérieure sismogène qui entretiendrait un mécanisme naturel de "pulses d’énergie élastique" induisant des répliques dans la croûte inférieure, à l’origine de son endommagement. Ils ont confirmé leur hypothèse en analysant les affleurements de granulites de la croûte inférieure continentale terrestre, exhumées dans l’Arc de Bergen, à l’ouest de la Norvège.
Les chercheurs y ont identifié les traces de séismes fossiles, appelées pseudotachylytes, qui ont eu lieu entre 30 et 60 km de profondeur, lors d’une collision tectonique il y a 400 millions d'années. Localement, en augmentant la perméabilité de la roche, la fracturation d’origine sismique a permis la circulation de fluides et entrainé une transformation des granulites en éclogites. La présence de pseudotachylites dans ces zones de cisaillement initiées par les failles générées par les séismes leur a fourni la preuve que les déformations et zones de cisaillement de la coûte inférieure étaient contrôlées par des séismes provenant de la croûte supérieure.
Les chercheurs ont pu modéliser que les hypocentres des répliques pouvaient atteindre des régions situées sous la croûte supérieure sismogène et que le volume de croûte inférieure affectée par ces répliques était très significatif, supérieur à 1% du volume total de la croûte inférieure par million d’années d’activité orogénique.
Le processus global pourrait donc impacter le comportement mécanique de toute la croûte inférieure.Remettant en question le mécanisme traditionnel "ascendant" où le cisaillement profond dans le manteau et dans croûte inférieure contrôle la distribution spatiale des failles de la croûte supérieure, les chercheurs proposent donc, dans cette étude, un nouveau mécanisme de la géodynamique crustale "descendant", de la croûte supérieure vers la croûte inférieure.
Granulites de la croûte inférieure continentale terrestre exhumées dans l'arc de Bergen, en Norvège. Ces roches ont enregistré des séismes fossiles qui ont eu lieu entre 30 et 60 km de profondeur lors de la collision Calédonienne il y a 400 millions d'années. Localement, la fracturation sismique a mis en contact ces roches avec des fluides et entrainé leur transformation en éclogites, plus denses. Cette transformation granulite-éclogite, provoquée par des séismes, contrôle la résistance mécanique de la croûte inférieure terrestre, ce qui a des conséquences géodynamiques sur l'évolution des frontières de plaque en collision et sur la dynamique des chaînes de montagnes.
Crédit photographique : Andrew Putnis, Curtin University, Australie.