Le candidat LREM à la Mairie de Paris a jeté l’éponge suite à la diffusion de contenus compromettants sur Internet.
Ce vendredi 14 février 2020, le candidat LREM Benjamin Griveaux a annoncé officiellement son retrait de la course à la Mairie de Paris. Une déclaration qui intervient après la diffusion depuis mercredi, sur un site Internet puis les réseaux sociaux, de plusieurs messages et de vidéos à caractère sexuel l’impliquant. Ces contenus auraient été rendus publics par Piotr Pavlenski, un artiste russe réfugié en France et connu pour ses performances extrêmes. Ce dernier aurait agi de la sorte pour « dénoncer l’hypocrisie » de la classe politique.
La décision de Benjamin Griveaux – que de récents sondages plaçaient en 3ᵉ position des intentions de vote pour les municipales, derrière la maire sortante Anne Hidalgo (PS) et Rachida Dati (LR) – suscite de nombreuses réactions. Il y a ceux qui se disent choqués que des documents à caractère privé puissent être utilisés pour déstabiliser un homme politique ; d’autres, pour qui c’est l’attitude même du candidat de la majorité présidentielle qui choque.
Quels enseignements peut-on tirer du retrait, par Benjamin Griveaux, de sa candidature à la mairie ?
Discrétion, prudence et méfiance
Il devrait être évident que la première façon de lutter contre l’utilisation malsaine de ce que l’on pourrait appeler « des contenus ordures » est de ne pas contribuer soi-même à en produire. Il y a des choses qui doivent rester à la maison. Quel besoin de se filmer dans des activités intimes, c’est-à-dire qui ne concernent que soi, et personne d’autre ?
Certes, le danger existe d’être filmé à son insu, et nul ne sait dans quelles conditions exactes les vidéos jetées en pâture à la foule avide ont pu être produites.
Discrétion, prudence et méfiance devraient donc être la devise de tout être humain, et encore plus s’il ambitionne de jouer un rôle dans les affaires publiques. Car le monde politique est sans scrupule, et sans pitié.
« Opportunisme de poubelle »
Il existe un « opportunisme de poubelle », qui a toujours existé, mais s’est largement développé avec les réseaux sociaux et l’utilisation qu’on en fait. Cette tendance-là ne cherche pas à informer, mais à nuire. En privilégiant la recherche de la jouissance provoquée par la découverte du détritus qui sentira le plus mauvais.
Certes, et fort heureusement, ces pratiques ne sont pas (encore ?) dominantes. Mais, elles font déjà évoluer la façon dont nous nous confrontons à l’information, face à la livraison non pas de faits dignes d’être connus et commentés ou encore d’idées susceptibles d’éclairer le monde qui est le nôtre.
Ici, le souci est de déterrer ce qui aura le plus fort pouvoir de nuisance.
Si l’on veut risquer une comparaison domestique, on peut imaginer la joie malsaine illuminant l’œil de celui qui fouille les poubelles pour voir s’il ne s’y trouverait pas, par exemple, quelques restes de homard, capables de provoquer la chute d’un homme politique détesté.
Si l’on parle souvent de mauvaise volonté, il deviendrait plus adéquat, aujourd’hui, de parler de « volonté mauvaise ». On sait que Descartes et Spinoza ne se faisaient pas la même idée de la volonté.
Pour Descartes (voir la quatrième des Méditations métaphysiques), elle est « beaucoup plus ample et plus étendue que l’entendement ». L’erreur naît quand la volonté n’est pas contenue dans les limites de l’entendement. Pour Spinoza, la libre volonté est une illusion : « La volonté ne peut pas être appelée cause libre, mais seulement cause nécessaire » (Éthique, Livre I, proposition 32).
Désormais, une chose est sûre. La volonté est une force indubitable, en tout cas sous sa forme de volonté mauvaise, ou volonté de nuire.
Si bien que la leçon la plus claire des péripéties parisiennes est que nous sommes entrés dans l’ère de la haine triomphante.
D’une certaine façon, deux forces mènent le monde. L’amour, et la haine. Pour Spinoza, ce ne sont pas des sentiments primitifs, comme la joie, « passion par laquelle l’esprit passe à une perfection plus grande », ou la tristesse, « passion par laquelle il passe à une perfection moindre ». L’amour et la haine ne sont que deux conséquences immédiates de ces sentiments primitifs. L’amour est fils de la joie ; la haine, fille de tristesse.
Il y a entre eux une très grande différence : « […] celui qui aime, s’efforce nécessairement d’avoir présente et de conserver la chose qu’il aime ; et au contraire celui qui hait s’efforce d’écarter et de détruire la chose qu’il a en haine. » (Éthique, Livre III, proposition 13, scolie).
L’amour est du côté de la vie. La haine, de la mort. Quand la haine gouverne, sur un horizon de mort, on peut avoir « bien peur », comme le chantait Brassens (« Le grand pan », 1965), « que la fin du monde soit bien triste » !
Charles Hadji
Professeur honoraire (Sciences de l’éducation)
Université Grenoble Alpes
The Conversation
L’Université Grenoble Alpes est partenaire membre fondateur du média en ligne The Conversation. Ce site internet propose de conjuguer l’expertise universitaire et le savoir-faire journalistique pour offrir au grand public une information gratuite, indépendante et de qualité. Les articles, sur un format court, traitent de dossiers d’actualité et de phénomènes de société. Ils sont écrits par des chercheurs et universitaires en collaboration avec une équipe de journalistes expérimentés. theconversation.com
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