The Conversation : "Hiroshi Sugimoto : l’art et la science, c’est un engrenage"
« Dix puissance moins neuf », une œuvre de Franc?ois Dufour
Ici on voit, mais on doit aussi toucher et manipuler. L’un des exemplaires de cette œuvre est exposée dans la salle Nanomonde du CIME Nanotech à MINATEC Grenoble. L’œil et la main sont à l’œuvre ensemble. Cette machine est probablement un des meilleurs dispositifs pour permettre à notre perception de se confronter avec les changements d’échelles sans être immédiatement mise hors jeu. On bouge à notre échelle et l’effet se transmet idéalement directement à l’échelle nanométrique.
Le système est constitué de neuf disques associés chacun à un pignon. Le rapport entre disque et pignon est de dix. Quand le premier disque équipé d’une manivelle fait un tour, le second lié par frottement fait un dixième de tour. Le dernier un milliardième de tour. Chaque disque est associe? a? une lettre du mot « nanome?tre » qui compte bien neuf lettres. Bien sûr, à nouveau, si cette idée est magnifique, en pratique, il est impossible à celui qui l’expérimente de faire tourner tous les disques. Il est même quasi impossible humainement de tester la machine complètement. Les disques sont liés entre eux par frottement. Y a-t-il quelque part du jeu dans la mécanique qui change tout ? A quel point ? Construire un dispositif qui transmet le mouvement de roue en roue de manière mesurable est en fait un problème d’instrumentation difficile. C’est pratiquement un sujet de recherche.
La « rigidité généralisée » selon P.W. Anderson, prix Nobel de physique
L’intuition étonnante de Francois Dufour et de ses élèves est éclairée et soulignée par le commentaire de P.W. Anderson associé à ce schéma : « Illustration (quelque peu schématique) de la rigidité généralisée. Une force externe (la manivelle) se couple au paramètre d’ordre à une extrémité du système, représenté par un engrenage. Un changement de paramètre d’ordre à n’importe quel point du système est transmis à toutes les autres parties du système (le premier engrenage fait tourner le deuxième engrenage). Le deuxième engrenage fait tourner la deuxième manivelle : une force a été transmise d’une extrémité du système à l’autre par l’intermédiaire du paramètre d’ordre. »
J’ai gardé malgré tout, dans la traduction, l’expression extrêmement technique et très profonde en physique : « paramètre d’ordre ». Comme l’indiquent les flèches, on peut lire à la place « mise en rotation », « variation de l’angle de rotation ». L’idée essentielle ici véhiculée par l’idée de « rigidité généralisée » est qu’il impossible de faire tourner une manivelle sans que l’autre ne tourne aussi. Aussi petite que soit la rotation. De même, il n’est pas possible de déplacer une partie d’un solide sans le déplacer dans son ensemble, puisque il est rigide.
La rigidité, le changement d’échelles et les engrenages
La rigidité d’une pointe permet de manipuler sa base macroscopique pour bouger un atome à l’échelle nanométrique. La rigidité généralisée d’un système d’engrenages parfaits permet, dans la machine « Dix puissance moins neuf » de faire tourner le premier N attaché à la manivelle et d’obtenir immédiatement un milliardième de rotation du dernier E. Enfin en principe… mais en principe, c’est déjà beaucoup.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Mis à jour le16 octobre 2018
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L'auteur
Professeur de physique
Université Grenoble Alpes