The Conversation : "Bac 2022 : faut-il encadrer les évaluations du contrôle continu ?"
En effet, la tentative d’instaurer des épreuves spécifiques de contrôle continu (E3C, ou « épreuves communes ») ayant échoué sous les coups de boutoir de mouvements d’opposition, puis de la pandémie, le ministre a tranché en faveur du contrôle continu simple, ou strict : ce sont les notes données par les enseignants en cours d’année qui seront prises en compte, à hauteur de 40 %, dans le « nouveau baccalauréat » version 2022.
Des enseignants et des responsables syndicaux s’interrogent sur la pertinence de cette nouvelle exigence de cadrage. Faut-il s’en réjouir, ou la déplorer ? Que révèle-t-elle exactement ?
Assurer l’égalité de traitement des candidats
On peut se féliciter du choix d’accorder un poids significatif au contrôle continu, pour lutter contre le bachotage, et ôter au bac sa dimension d’« épreuve couperet », tout en reconnaissant que le contrôle continu simple soulève un problème important. Comme le reconnaît le « Guide de l’évaluation des apprentissages et des acquis des élèves », que le ministère vient de mettre à disposition des équipes éducatives, il soulève la question de « l’égalité de traitement des élèves ».
�� Nouveau lycée général et technologique �� Guide de l'évaluation
— éduscol (@Eduscol) September 14, 2021
Le guide expose des principes communs, des préconisations par discipline et par spécialité ainsi que des préconisations pour le pilotage général de l’évaluation ▶ https://t.co/i6fLYVk859 pic.twitter.com/yASuyKfuS8
La liberté pédagogique des enseignants incluant leurs pratiques d’évaluation, la diversité de celles-ci pourrait déboucher sur des évaluations n’étant en rien comparables, et tranchant de la valeur des élèves de façon très inégale. On pourrait alors parodier Pascal : plaisante évaluation, que les portes d’une classe bornent !
Il faut donc concilier le droit à la liberté d’enseigner, des uns (les enseignants/évaluateurs), avec le droit à un traitement juste et égalitaire, des autres (les candidats). Les notes retenues pour le bac doivent avoir été produites dans des conditions qui les rendent d’égale valeur au sein d’un même établissement, et, si possible, entre établissements différents. C’est à cette fin que le ministère propose comme outil le « projet d’évaluation de l’établissement », qui veut être un cadre assurant l’égalité de traitement des candidats.
Des évaluations à valeur certificative
La difficulté est de proposer un outil qui ne soit pas un carcan administratif, mais un cadre facilitateur. On peut tenter d’en juger à travers trois questions :
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Sur quoi le « projet d’évaluation » doit-il porter ?
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Comment sera-t-il élaboré ?
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À qui est-il destiné ?
Le « Guide » du ministère spécifie d’une façon claire le champ concerné par le « projet ». Il s’agit essentiellement de fixer le choix des évaluations qui entreront dans la constitution de la moyenne de trimestre ou de semestre. En indiquant « leur nature, leur contenu, leur fréquence et leur notation ». Le Guide précise que « les notes retenues pour le calcul des moyennes (au moins trois par trimestre) correspondent à des travaux donnés à tous les élèves d’un même groupe classe et validant les mêmes connaissances, compétences et capacités ».
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Ce souci d’« harmonisation » vaut pour toutes les évaluations effectuées par les enseignants. Mais – point capital – le « projet » à écrire ne concerne que l’évaluation à fonction (à valeur) certificative. La cadre que les enseignants construiront ne concernera que les évaluations à prendre en compte pour le bac, et pas les évaluations diagnostiques, ou formatives, à visée pédagogique, dont ils restent, individuellement, les seuls maîtres.
Un cadre construit par les acteurs pour éclairer les acteurs
Les réponses que l’on peut apporter aux deux autres questions vont dans le même sens. Car, d’une part, si le choix des évaluations à prendre en compte est « le fruit d’une décision de l’enseignant », celle-ci est « prise de façon privilégiée en équipe pédagogique ».
C’est une « réflexion collective » qui permet « de s’accorder sur les objets évalués, la nature et le nombre des évaluations, les coefficients, les critères retenus, les situations diverses d’évaluation et les modalités de calcul de la moyenne ». Dans l’idéal, il y aura construction participative de l’outil.
Et, d’autre part, le projet d’évaluation de l’établissement, qui sera donc contraignant pour les enseignants/évaluateurs du bac, est destiné à faire l’objet d’une « communication transparente et anticipée aux élèves et à leurs représentants légaux ». L’outil a pour vocation d’éclairer les acteurs (membres de la communauté éducative, élèves, et familles), en leur faisant connaître en toute clarté les règles du jeu qui auront été adoptées pour l’évaluation certificative.
Des exigences toujours difficiles à concilier
Finalement, la question du cadrage des évaluations certificatives révèle la difficulté, pour l’évaluation scolaire, de concilier des exigences en partie contradictoires. On est toujours sur un fil, à la recherche d’un équilibre, difficile à trouver.
Équilibre entre des exigences de liberté (pédagogique), et de cadrage (national). Équilibre entre des exigences de rigueur (méthodologique), et de simplicité (le processus doit être clair et compris par tous). Équilibre entre des exigences de certification (formation diplômante), et de soutien d’apprentissage (le bac doit être aussi une occasion et un instrument de progression). Équilibre entre des exigences de progressivité (suivre le développement des apprentissages), et de bilan sommatif (à l’heure du jugement final).
Gilles Vigneault aurait pu le chanter : qu’il est difficile d’évaluer, si l’on veut (et il le faut !) respecter les exigences fondamentales d’objectivité et de justice ! L’essentiel est d’en avoir conscience, pour ne jamais perdre de vue la nécessité de rechercher toujours les dispositifs qui offriront la meilleure balance entre leurs atouts, et leurs dangers.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Mis à jour le22 octobre 2021
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L'auteur
Professeur honoraire (Sciences de l’éducation)
Université Grenoble Alpes (UGA)