Découverte du premier fossile animal dans une opale gemme

Sciences et technologies Article
Photographie de la larve de cigale fossile incluse dans l’opale.
Photographie de la larve de cigale fossile incluse dans l’opale.
Une équipe internationale animée par un scientifique du laboratoire ISTerre (Université Grenoble Alpes - CNRS - Université Savoie Mont-Blanc - IRD - Université Gustave Eiffel) [1] , a étudié le premier fossile animal contenu dans une opale gemme provenant d’Indonésie. Parue dans Scientific Reports le 29 juin 2020, cette publication révèle que ces opales peuvent contenir des fossiles très bien conservés, une larve de la famille des cigales dans ce premier cas. Cette découverte offre une nouvelle voie pour explorer l’évolution de la vie sur Terre ou la possible émergence de vie sur Mars, et apporte la preuve que le chant des cigales retentissait déjà en Indonésie il y a plusieurs millions d’années.
Les archives fossiles permettent de retracer l’évolution de la vie sur Terre grâce à divers matériaux au sein desquels ils sont conservés. Les sédiments déposés dans les lacs ou les océans, ou encore l’ambre (cette ancienne résine d’arbre fossilisé) ont conservé des traces d’organismes sur une grande partie de l’histoire de la Terre. Parmi ces matériaux, celui qui est aujourd’hui le pourvoyeur des plus anciennes traces de vie terrestres sont les cherts, des roches siliceuses formées il y a plusieurs milliard d’années. La silice (ou dioxyde de silicium, SiO2) qui les constitue est en effet très résistante aux affres du temps.

Parmi les minéraux constitués exclusivement de silice, il existe une variété très appréciée pour sa beauté et ses effets de lumière impressionnant : l’opale. Utilisé en joaillerie, l’opale est surtout connue en Australie et en Ethiopie qui en fournissent une grande quantité. Ce type de silice a également été identifié sur Mars, ce qui en fait l’une des cibles majeures pour explorer la possibilité de vie sur Mars. En effet, en Australie, du bois et même des os de dinosaure sont totalement opalisés, donnant un aspect psychédélique à ces fossiles. En Ethiopie, des fossiles végétaux sont contenues dans des opales gemmes, mais aucun fossile animal n’a jamais été trouvé.

Dans cette étude nommée "Arthropod entombment in weathering-formed opal: new horizons for recording life in rocks", publiée dans Scientific Report, les scientifiques ont étudié le premier fossile animal contenu dans une opale gemme.

Grâce à la tomographie à rayon-X, une sorte de scanner haute résolution, il a été possible de reconstruire la forme du fossile dans sa totalité. Les 6 pattes et son corps divisés en tête, thorax et abdomen permettent de dire que c’est un insecte. La forme de ses pâtes avant et ses pièces buccales sont caractéristiques des larves de la super-famille des Cicadoidae, dont les représentants le plus connus sont les cigales. Les larves de ces insectes vivent dans le sol, pendant parfois plusieurs années (jusqu’à 17 ans), ce qui fait que les fossiles de ces larves sont rares.

La silice est déjà connue pour être un agent préservateur de fossile, mais dans la majorité des cas, cette silice provient de sources hydrothermales (comme des geysers) qui sont en général très localisées sur la surface de la Terre. L’opale peut aussi se former par l’altération des roches, qui consiste à la détérioration des minéraux constituant les roches par l’eau, ce qui permet de libérer la silice qui constitue ces minéraux. Les fluides ainsi enrichis en silice vont remplir des cavités de la roche et formés les opales gemmes. Dans l’échantillon étudié, cette cavité contenait une larve, ou une mue de larve, ce qui a permis de conserver ce fossile sur plusieurs millions d’année. Cette étude démontre que la silice issue de l’altération des roches par le climat, un processus beaucoup plus répandu sur la surface des planètes que les sources hydrothermales, est également un pourvoyeur d’enregistrements paléontologiques. L’identification de ce type de silice sur Mars en fait aussi un matériel très intéressant pour étudier la possibilité de vie sur cette planète. Ceci permet donc d’élargir les possibilités de trouver des traces de vie autant sur Terre que sur Mars où ce type de silice est connue et identifiée.

En plus de la beauté intrinsèque de cet échantillon, il offre une nouvelle voie pour comprendre l’évolution de la vie sur Terre ou la possible émergence de vie sur Mars, ou simplement d’imaginer que le chant des cigales retentissait déjà en Indonésie il y a plusieurs millions d’années.
 
Note
[1] Le Laboratoire de planétologie et géodynamique (Université de Nantes/CNRS/Université d’Angers) et le laboratoire Sciences et ingénierie des matériaux et procédés (CNRS/UGA) ont également collaboré à ces travaux.
Publié le29 juin 2020
Mis à jour le6 juillet 2020