Les rayons cosmiques les plus énergétiques proviennent d’au-delà de notre galaxie

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Vue d’artiste d’une gerbe atmosphérique au dessus d’un détecteur de  particules de l’Observatoire Pierre Auger, sur fond de ciel étoilé. Crédit : A. Chantelauze, S. Staffi, L. Bret
C’est un débat vieux de 50 ans qui est désormais tranché : les rayons cosmiques les plus énergétiques ne proviennent pas de la Voie lactée, mais ont été propulsés depuis des galaxies situées à des dizaines, voire des centaines de millions d’années-lumière. L’observatoire Pierre Auger, en Argentine, qui collecte depuis 2004 des informations sur ces particules bombardant la Terre, a permis d’apporter cette preuve.
Le CNRS est le principal organisme français de financement de cet observatoire. Cette découverte est publiée dans la revue Science le 22 septembre 2017 par une collaboration internationale, dont font partie des chercheurs de l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (CNRS/Université Paris-Sud), du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (CNRS/UPMC/Université Paris Diderot) et du Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (CNRS/Université Grenoble Alpes/Grenoble INP).

Les rayons cosmiques sont des noyaux atomiques[1] qui traversent notre Univers à une vitesse proche de celle de la lumière. Ceux de basse énergie proviennent du Soleil ou de notre galaxie, mais l’origine des particules les plus énergétiques restait débattue depuis leur découverte il y a un demi-siècle : sont-elles issues de la Voie lactée ou d’objets extragalactiques éloignés ? La question vient d’être tranchée grâce à l’étude de 30 000 particules cosmiques d’une énergie un million de fois supérieure à celle des protons accélérés au LHC[2]. Elles ont été détectées entre 2004 et 2016 avec le plus grand observatoire de rayons cosmiques jamais construit, l'observatoire Pierre Auger, en Argentine. L’étude des directions d’arrivée de ces particules montre qu’à ces énergies, le flux de rayons cosmiques en provenance d’une zone du ciel pointant à 120 degrés du centre galactique est environ 6 % plus élevé que si le flux était parfaitement uniforme. Cette direction ne peut pas être associée à des sources potentielles dans le plan de la galaxie ou en son centre. C’est la première preuve convaincante d’une origine extragalactique pour ces rayons cosmiques.

Le flux de ces rayons cosmiques très énergétiques (au-delà de 2 joules) est d’environ 1 par kilomètre carré et par an[3]. Quand ces rayons entrent en collision avec les molécules de la haute atmosphère, ils créent une cascade de plus de 10 milliards de particules secondaires, appelée gerbe atmosphérique, qui peut s'étendre sur plus de 40 kilomètres carrés quand elle arrive au sol. L'observatoire Pierre Auger détecte certaines de ces particules secondaires (électrons, photons et muons) grâce à un réseau de 1 600 détecteurs – des cuves d’eau pure espacées d'1,5 kilomètre, qui s'étendent sur une surface de 3 000 kilomètres carrés dans la pampa argentine (soit un peu plus que la taille du Luxembourg). En comparant les temps d’arrivée des particules dans différents détecteurs, on peut déterminer la direction d’où provient le rayon cosmique qui a produit la gerbe atmosphérique.

Cette découverte indique clairement une origine extragalactique pour ces particules cosmiques, le motif observé dans le ciel ne pouvant être le fruit du hasard qu’avec une chance sur cinq millions. Cependant, cette étude ne permet pas encore de localiser précisément les sources. En effet, la région la plus brillante en rayons cosmiques s’étend sur une vaste portion du ciel, où le nombre de galaxies est relativement élevé. De plus, le champ magnétique de la Voie lactée dévie les trajectoires de ces particules chargées[4] et brouille les pistes.

Il existe des rayons cosmiques encore plus énergétiques que ceux auxquels cette étude s'attache. Ils ont comme inconvénient d’être encore plus rares, mais aussi l’avantage d’être moins déviés par le champ magnétique de notre propre galaxie ; leur direction d'arrivée pourrait donc pointer au plus près de leur lieu de production. En 2007, une précédente étude avait pointé une corrélation entre des noyaux actifs de galaxies et les directions d’arrivée des rayons cosmiques les plus énergétiques alors détectés[5], mais cette corrélation s’est par la suite révélée peu significative. Des études se déroulent actuellement sur une collection bien plus importante de rayons cosmiques ultra-énergétiques, et pourraient apporter des éléments de réponse. En parallèle, un programme d’amélioration de l’observatoire Pierre Auger est en cours et devrait permettre d'identifier plus clairement ces sources.

400 scientifiques de 18 pays participent à la collaboration Pierre Auger, qui développe et exploite l'observatoire du même nom. Le CNRS est le principal organisme français de financement de l'observatoire. Les laboratoires français qui y contribuent sont :
  • l’Institut de physique nucléaire d'Orsay (CNRS/Université Paris-Sud) ;
  • le Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (CNRS/UPMC/Université Paris Diderot) ;
  • le Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (CNRS/Université Grenoble Alpes/ Grenoble INP).


© Céline ANAYA-GAUTIER/CNRS Photothèque
L’un des 1 600 détecteurs de l’observatoire Pierre Auger

Ces détecteurs sont des cuves remplies de 12 tonnes d’eau pure, qui permettent de détecter les particules de la « gerbe atmosphérique », une cascade de particules secondaires produites lorsqu’un rayon cosmique entre dans l’atmosphère terrestre. En traversant les cuves d’eau, les particules secondaires produisent un flash de lumière par effet Tcherenkov. L'observatoire Pierre Auger, en Argentine, est le plus grand détecteur de rayons cosmiques au monde. Il porte le nom du physicien français qui, le premier, en 1938, a observé les gerbes atmosphériques.


© Collaboration Pierre Auger
Carte du ciel montrant le flux de rayons cosmiques.
La région présentant un excès de rayons cosmiques est entourée. Le centre galactique est au centre de l’ellipse.

    1. De celui de l’hydrogène (proton) pour le plus léger, à celui du fer pour le plus lourd.
    2. Le Grand collisionneur de hadrons du Cern. Cela correspond à une énergie moyenne de 2 joules.
    3. Autrement dit, un terrain de football reçoit en moyenne un seul de ces rayons cosmiques par siècle.
    4. Même à de telles énergies, les déflexions sont de l’ordre de quelques dizaines de degrés.
    5. Voir ce communiqué de presse : L'Observatoire Pierre Auger remonte aux sources des rayons cosmiques d'énergie extrême (8 novembre 2007).
Publié le25 septembre 2017
Mis à jour le25 septembre 2017