Des chercheurs ont mis en évidence l’influence de la déformation d’une paroi molle sur la trajectoire d’objets microscopiques dans un fluide. Cet effet pourrait contribuer à expliquer comment les globules rouges se répartissent dans les petits vaisseaux sanguins.
Contrairement aux situations d’écoulements à haute vitesse pour lesquelles des forces de portance permettent par exemple aux avions de décoller, une microparticule sphérique se déplaçant lentement dans un fluide au voisinage d’une surface n’est pas censée s’en éloigner... Sauf si la sphère ou la surface sont suffisamment molles pour être déformées par la pression dans le fluide. Ce couplage entre la déformation élastique d’objets immergés et des forces de pressions induites par un écoulement se nomme élastohydrodynamique. Il est au cœur de sujets variés en biophysique, tels que la nage de microorganismes, les processus de biolubrification ayant lieu dans les articulations ou la circulation sanguine.
Dans ce dernier exemple, il est déjà bien établi que la déformabilité des cellules sanguines joue sur leur répartition dans les vaisseaux : les globules blancs et les plaquettes, peu déformables, se répartissent au voisinage des parois tandis que les globules rouges, plus mous, s’en éloignent sous l’effet de forces élastohydrodynamiques répulsives. Jusqu’à présent, cependant, la déformabilité des parois elle-même n’avait jamais été prise en compte. Or, les cellules couvrant la surface intérieure des vaisseaux sanguins sont recouvertes d’une couche de biopolymères très molle (module élastique de 10-100 Pa) atteignant jusqu’à 1 micron d’épaisseur, appelée glycocalyx. En utilisant un modèle in vitro de circulation sanguine, des chercheurs du Laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy) et de l’Université de Leeds (Royaume-Uni) ont montré que la présence d’une couche très mince de biopolymères décorant une surface plane indéformable suffit à induire des forces élastohydrodynamiques répulsives qui font décoller des microsphères rigides.
Pour cela, les chercheurs ont décoré la surface d’un canal microfluidique avec une brosse dont les poils sont composés de brins d’acide hyaluronique, l’un des principaux composants du glycocalyx, et ils ont étudié optiquement le mouvement en trois dimensions de microbilles entrainées par un écoulement contrôlé au voisinage de cette couche de biopolymères. En l’absence de brosse, les billes, modélisant des cellules sanguines non déformables, restent plaquées par la gravité sur la paroi rigide. Au contraire, la présence d’une brosse déformable suffit à induire des forces élastohydrodynamiques répulsives qui font décoller des microsphères rigides, et cet effet de portance est directement contrôlé par l’élasticité de la couche de polymère. Les données expérimentales sont en très bon accord avec les prédictions théoriques existantes, ce qui a permis de valider quantitativement le cadre théorique de la “lubrification molle”.
Ce travail met en relief l’importance des interactions élastohydrodynamiques dans le contexte de la circulation sanguine et révèle un nouveau rôle du glycocalyx dans la régulation des interactions entre cellules sanguines et parois vasculaires.
Schéma de la déformation de surface provoquant la portance élastohydrodynamique (à gauche). L’amplitude de cette portance, qui dépend de la force de l’écoulement, est d’autant plus grande que la couche déformable est molle (à droite).
Publié le21 septembre 2018 Mis à jour le24 septembre 2018
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