Un syndrome proche du diabète lié à l’exposition aux perturbateurs endocriniens ouvre une nouvelle piste dans la compréhension du déclin mondial des amphibiens

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Xénope tropicalis adulte (© Muriel Raveton)
Xénope tropicalis adulte (© Muriel Raveton)
Au niveau mondial, un déclin massif des populations d’amphibiens est observé depuis les années 1980. Bien que suspectée comme une des causes directes, la pollution des zones humides par les perturbateurs endocriniens n’a jamais été clairement démontrée. En exposant de manière contrôlée un modèle d’amphibien à des concentrations environnementales de perturbateurs endocriniens, un consortium français conduit par des chercheurs de l’Université Grenoble Alpes et du CNRS (Laboratoire d’écologie alpine, Univ. Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont-Blanc, CNRS) [1], a montré l’apparition d’un syndrome métabolique typique d’un diabète de type 2.
Cette étude a été publiée dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America) le 23 avril 2018.

Au cours de ces dernières décennies, l’augmentation des activités humaines a entraîné l’exposition des populations animales à des milliers de polluants. Parmi les milieux aquatiques d’eau douce, les zones humides sont des écosystèmes complexes dans lesquels les xénobiotiques s’accumulent. Dans ces milieux, un déclin dramatique des populations d’amphibiens a été observé au niveau mondial depuis les années 1980 à un taux 200 fois supérieur à celui décrit pour les autres espèces. Pour de nombreux scientifiques la multipollution par les perturbateurs endocriniens (PE), en combinaison avec d’autres facteurs, pourrait jouer un rôle prépondérant dans ce phénomène donnant le statut de sentinelles environnementales aux amphibiens. D’autres auteurs soutiennent en revanche que les amphibiens ne sont pas plus sensibles que les autres espèces aux PE aux concentrations auxquelles ils sont présents dans les écosystèmes.

Pour répondre à cette question, le consortium mené par le Laboratoire d’écologie alpine (LECA) a exposé des xénopes (Xenopus tropicalis) du stade têtard au stade adulte mature à deux perturbateurs endocriniens modèles, l’hydrocarbure aromatique polycyclique benzo[a]pyrène (BaP) et l’antimicrobien triclosan (TCS). Les concentrations d’expositions ont été choisies pour être non seulement compatibles avec les doses environnementales mais également pour être en dessous du seuil autorisé par la réglementation dans l’eau de consommation.

Les résultats révèlent que les animaux exposés à ces concentrations présentent une intolérance au glucose, une stéatose hépatique (foie gras), une activation des gènes hépatiques associés aux métabolismes lipidique et glucidique et une hypersécrétion d’insuline typiques d’un diabète de type 2. Après un an d’arrêt de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, les individus exposés au BaP présentent toujours une intolérance au glucose associée à un défaut de sécrétion d’insuline suggérant que les effets engendrés par cette molécule ne sont pas réversibles. Ce syndrome métabolique insoupçonné jusqu’ici conduit à une descendance présentant une métamorphose retardée avec un poids et une taille à la métamorphose plus faibles. À l’âge adulte, la progéniture des amphibiens exposés aux perturbateurs endocriniens présente également un succès reproducteur plus faible que ceux issus de parents non exposés démontrant des effets multigénérationnels.

Cette étude démontre pour la première fois que les amphibiens sont particulièrement sensibles aux perturbateurs endocriniens même aux concentrations ne semblant pas avoir d’effet sur les autres vertébrés. Elle pourra servir de point de départ pour d’autres études portant sur la contribution directe des perturbateurs endocriniens dans le déclin des populations d’amphibiens au travers d’une perturbation du métabolisme énergétique.

De façon beaucoup plus large, cette étude confirme des études épidémiologiques chez l’Homme sur l’implication des perturbateurs endocriniens dans les désordres métaboliques.


Xénope tropicalis métamorphique (© Muriel Raveton)



Xénope tropicalis adulte (© Muriel Raveton)



Xénope tropicalis métamorphique (© Muriel Raveton)


Note
  1. Le consortium français auteur de cette étude est piloté par le Laboratoire d’écologie alpine (LECA – Univ. Grenoble Alpes / CNRS / Univ. Savoie Mont-Blanc), avec entre autre la participation du laboratoire de bioénergétique fondamentale et appliquée (LBFA – Univ. Grenoble Alpes / INSERM), de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (IGFL - Univ. Lyon 1 / Ecole Normale Supérieure de Lyon / CNRS), de Rovaltain Research Company (RRCo), de la Plate-forme Therassay (L'unité de recherche de l'institut du thorax, INSERM / CNRS / Univ. Nantes), et du Centre de ressources biologiques xénopes, (CRB - Univ. Rennes 1 / CNRS).


Publié le23 avril 2018
Mis à jour le14 mai 2018