Rio 2016 (3) : quel avenir pour la politique sportive au Brésil ?
A decada de Ouro est terminée ! Le Brésil vient de vivre une décennie d’exception en matière d’organisation de méga événements sportifs : Jeux panaméricains de Rio 2007 (5 633 athlètes), Jeux mondiaux militaires de Rio 2011 (7 000 athlètes), Copa 2014, Jeux olympiques et paralympiques (7-18 septembre) de Rio 2016. Il n’y a plus d’événement sportif de cette ampleur prévu, et les situations économique et politique ne sont pas aujourd’hui favorables à un engagement de l’État dans ce type de manifestation comme cela a pu l’être dans la première décennie des années 2000. Aussi, on peut craindre le pire pour la politique du sport.
Quid des installations sportives ?
Depuis plus de dix ans, un effort considérable a été fait sur le territoire de la ville de Rio de Janeiro en ce qui concerne les installations sportives de prestige ayant servi à toutes les compétitions internationales précitées.
Ainsi, à l’occasion des Jeux panaméricains de 2007, ont été réalisés :
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le réaménagement du palais des sports Maracanãzinho ;
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le stade olympique, dont la gestion a été déléguée au club Botafogo ;
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la Rioarena, rebaptisée HSBC Arena et gérée par la société française GL Events ;
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le Parc aquatique Maria Lenk, géré par le Comité olympique brésilien ;
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le Vélodrome municipal, qui a dû être entièrement reconstruit pour les JO car ne correspondant aux normes de la Fédération internationale.
Pour les JO, douze équipements sportifs ont été réalisés ou réaménagés, dont neuf uniquement sûr des fonds publics, un en partenariat public privé (les Arenas Carioca 1, 2 et 3), et deux sur fonds privés (le golf et la marina). Il est évident que les investissements privés conduisent à une gestion privée (mais le public du golf ou des sports de voile appartiennent à l’élite socio-économique). Quant aux Arenas, le PPP implique lui aussi une délégation de gestion privée sur une durée généralement conséquente (entre vingt et trente ans). Aussi, qui dit gestion privée, dit soumission aux intérêts économiques du gestionnaire : on peut alors douter de l’accès du grand public à ces Arenas pour des pratiques de loisir à des tarifs abordables.
Un entretien qui coûte cher
Parmi celles-ci, l’Arena do Futuro dans laquelle Bleues et Bleus viennent de perdre deux finales olympiques de handball, sera démontée car, construite en modules, elle sera transformée en quatre écoles. Mais que vont devenir les autres infrastructures ?
Par exemple, le Centre olympique aquatique, alors qu’existe déjà le parc aquatique Maria Lenk, de même qu’un complexe aquatique à Maracanã ? Qui plus est, Rio de Janeiro bénéficie de kilomètres de plage à Copacabana, Ipanema, Leblon, Tijuca, Bandeirantes, etc.
Rien n’est plus facile de construire des infrastructures sportives quand l’événement l’exige. Mais, le financement récurrent, année après année, pour maintenir l’infrastructure en état coûte très cher. Et, si le climat de Rio de Janeiro ne nécessite pas de chauffer ces équipements, il exige au contraire de les refroidir par la climatisation avec une température moyenne oscillant entre 25 et 30°, avec des pointes à plus de 40 durant l’été austral (décembre à mars) et un taux d’humidité de 90 %.
Des politiques sportives en situation d’incertitude
On a vu que la Constitution de 1988 autorise l’État central, les États fédérés et les Municipes à légiférer et développer des politiques sportives propres. Or, quelques semaines avant le début des Jeux olympiques, l’État de Rio de Janeiro – dont le seul investissement a été de R$ 7 millions (1,9 million d’euros) dans le stade d’aviron Rodrigo de Freitas – s’est déclarée en « état de calamité », le gouverneur précisant craindre un effondrement imminent de la santé, de l’éducation, de la mobilité, de la sécurité publique (Policia Militar) et de la gestion environnementale. Il est évident que la politique sportive va en être impactée.
Chris Jones/Flickr, CC BY-NC
Mais la décision de l’État de Rio de Janeiro est un cas de jurisprudence qui peut en conduire d’autres à agir de même. En fait, c’est toute l’économie du Brésil qui est touchée : la baisse des prix des matières premières, sur lesquels le Brésil avait construit sa croissance au cours des vingt dernières années sans anticiper une évolution négative (en constituant, par exemple, un fonds souverain), ou en investissant dans des secteurs économiques industriels porteurs d’avenir (comme l’informatique), a conduit au marasme. La politique développée par Lula n’a pu être réalisée que par cette conjoncture positive.
Mais aujourd’hui, l’argent manquant d’une part, les événements sportifs majeurs étant passés (Panaméricains, Mondial de football, JO) d’autre part, il n’y a plus l’impérieuse nécessité de se projeter dans l’avenir pour obtenir des résultats sportifs valeureux « à la maison ».
Ainsi, le ministère des Sports avait-il, début juin, supprimé R$ 150 millions (37 millions d'euros) de subventions destinées au sport de haut niveau dans le cadre de la préparation des JO 2016. Il est probable que, à l’avenir, le sport de haut niveau sera moins soutenu, mais peut-être aussi les programmes orientés vers le loisir, la citoyenneté et l’inclusion sociale.
Un droit du citoyen en sursis
Aussi, il est probable que, comme partout, ce seront les collectivités au plus près de la vie quotidienne des citoyens qui devront assumer les programmes de développement du sport, c’est-à-dire les Municipes. Or, au Brésil, les clubs sportifs sont avant tout organisés sur un modèle économique privé, avec une forte accumulation de capital (ils sont propriétaires de leurs installations sportives qu’ils doivent entretenir et faire fonctionner), avec pour conséquence des coûts d’adhésion très élevés car ils ne reçoivent pas de subventions publiques.
Cela signifie que les classes populaires, c’est-à-dire celles des favelas, n’ont aucune possibilité d’accéder au sport organisé en dehors des programmes publics et des infrastructures gratuites et libres d’accès, et de l’action des ONG. Aussi, la pratique sportive comme étant un droit du citoyen inscrit dans la Constitution risque de se réduire si la crise économique se poursuit et que des coupes drastiques doivent être faites dans les programmes sociaux.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation le 2 septembre 2016.
Mis à jour le8 février 2017
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