The Conversation : "Ces classiques et ces mythes qu’Harry Potter fait découvrir à vos enfants"
« Tous les enfants de notre monde connaîtront son nom », prophétise le professeur McGonagall au début d’Harry Potter. Plus de 20 ans après l’apparition en librairie du héros imaginé par J.K. Rowling, force est de constater que la fiction est devenue réalité. La série en sept tomes qui retrace le parcours initiatique du jeune orphelin a été publiée à plus de 500 millions d’exemplaires, et popularisée par ses adaptations au cinéma.
Mais en tournant les pages de cet incontournable dans la littérature de jeunesse, les lecteurs en herbe ne se contentent pas de se distraire. La série fourmille en effet de références à des auteurs classiques, des mythes antiques et de grandes épopées. En explorant avec Harry Potter les mystères de Poudlard, les enfants font aussi un petit voyage dans la bibliothèque mondiale, qui peut aussi leur ouvrir de nouvelles pistes de lecture. En voici quelques exemples.
L’Odyssée
Harry Potter regorge de références à l’Antiquité grecque, surtout dans les choix de noms des personnages. Rien qu’en feuilletant l’Odyssée d’Homère, livre au programme de sixième, les jeunes lecteurs peuvent repérer des noms déjà rencontrés dans les aventures de Harry. Par exemple, Artémis, nom de la déesse de la chasse, est aussi le deuxième prénom de Norbert Dragonneau.
Athéna, déesse de la sagesse, est présente avec son nom romain, Minerve, prénom du professeur McGonagall. La figure de la prophétesse Cassandre est évoquée sous les traits de l’arrière-arrière grand-mère de Sibylle Trelawney, enseignante de divination. Hermès (dieu messager) est le nom de la chouette de Percy Weasley ainsi que la base du prénom « Hermione ».
Quant à l’Olympe, montagne où demeurent les dieux, elle réapparaît à travers la directrice de l’école de Beauxbâtons, Olympe Maxime ; c’est une allusion à sa taille puisqu’il s’agit d’une demi-géante !
Gilgamesh
L’Épopée de Gilgamesh, le plus ancien texte de fiction retrouvé sur la planète, est une œuvre anonyme datant d’environ 3 000 ans avant J.C. Le texte se concentre sur Gilgamesh, roi d’Uruk, qui part à la recherche de l’immortalité après la mort de son ami Enkidu.
Ce refus de sa propre condition humaine a influencé de nombreux textes de notre civilisation et est l’un des leitmotivs du dangereux Voldemort dans la série Harry Potter. À la suite des révélations sur la disparition de sa mère, Tom Jedusor (le nom de naissance de Voldemort dans la traduction de Jean‑François Ménard), se lance à la poursuite de l’immortalité.
Enkidu et Merope Gaunt (la mère de Voldemort) jouent le même rôle de catalyseur qui propulsent Gilgamesh et Voldemort dans leur quête. Dans les deux cas, cette quête échoue car l’immortalité reste inaccessible.
L’Épopée de Gilgamesh est éditée en version jeunesse, et adulte.
Les Métamorphoses
J.K. Rowling s’est beaucoup inspirée des Métamorphoses d’Ovide, autant pour nommer ses personnages que pour ses créatures magiques. La mère de Draco Malfoy, Narcissa, personnage plus en lumière à partir du quatrième tome, renvoie directement au mythe de Narcisse dans Les Métamorphoses. Elle est hautaine et vaniteuse, tout comme Narcisse, tombé amoureux de sa propre image reflétée dans l’eau d’une source.
Rusard, le concierge à Poudlard, a le même prénom qu’Argus, géant à « la tête ceinte de cent yeux » (Livre I, traduction de Joseph Chamonard), en éveil constant.
Pour ce qui est des créatures magiques, Touffu, le chien à trois têtes de Hagrid dans Harry Potter à l’école des sorciers, est une représentation de Cerbère, mentionné dans les livres IV, VII, IX et XIV d’Ovide, la créature qui garde l’accès aux enfers. Il garde l’entrée de la trappe sous laquelle de nombreux pièges protègent la pierre philosophale. Rowling fait aussi revivre les centaures d’Ovide (livre II, IX et XII des Métamorphoses) avec des rôles et des attributs proches.
Le théâtre de Shakespeare
Le deuxième opus de la série Harry Potter organise sa narration en réécriture de la pièce Le Conte d’hiver de Shakespeare. Cette pièce complexe narre la vie de la famille royale sicilienne composée de Leontes, le roi, Hermione, sa femme, et leurs enfants.
Dès le début de la pièce, Leontes est pris d’un accès de folie ; il pense qu’Hermione le trompe avec son meilleur ami et que l’enfant qu’elle porte n’est pas le sien. Il la met donc en prison avec son fils et dès qu’elle met au monde une fille, il exile celle-ci sur une île. Le fils et la mère meurent en prison mais Hermione revient à la vie à la fin de la pièce lorsqu’une statue d’elle prend vie.
Harry Potter et la chambre des secrets joue sur le nom d’Hermione puisque celle-ci passe aussi une partie du livre à l’écart de l’histoire, sous forme de statue, pour revenir à la vie à la fin du livre.
Le septième tome des Harry Potter construit un autre parallèle entre les deux œuvres, celle de la jalousie malsaine de Ron envers Harry et Hermione. Pensant qu’Hermione lui préfère Harry, il décide de quitter le trio et de rentrer chez lui. Tout comme dans Le Conte d’hiver, il est pris de violents remords et parvient à surpasser sa jalousie pour rejoindre l’aventure sur la fin de l’œuvre.
D’autres pièces plus connues de Shakespeare reviennent aussi à plusieurs moments dans Harry Potter. La prophétie qui est au cœur des livres cinq, six et sept de la série est inspirée directement de Macbeth. Les Bizarr’ Sisters, le groupe de musique magique, a le même nom en anglais (Weird Sisters) que le groupe des sorcières dans Macbeth et leur ressemble physiquement. Leur incantation est d’ailleurs reprise dans le troisième film Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban en tant que chanson de l’école.
Bellatrix Lestrange a aussi de fortes ressemblances avec Lady Macbeth, surtout quand elle explique au début du septième tome qu’elle serait prête à sacrifier ses propres enfants pour la cause de Voldemort.
Une bonne connaissance de Harry Potter peut donc permettre de rentrer plus facilement dans les œuvres complexes et diverses de Shakespeare en créant un parcours pré-balisé à partir de noms et de thèmes déjà connus vont créer des tremplins dans le chemin de lecture.
Sherlock Holmes
Harry Potter et la Coupe de Feu s’ouvre sur un chapitre très particulier où l’histoire de la famille Jedusor (la famille de Voldemort) est narrée. Cette histoire est celle d’un mystère : un matin, la servante des Jedusor entre dans le grand salon pour y trouver les parents et le fils Jedusor morts. Aucune explication rationnelle n’est donnée à leur mort à part leur expression d’effroi, et la police est prise au dépourvu.
Cette entrée en matière insolite pour un Harry Potter reprend en fait une histoire de Conan Doyle, L’Aventure du pied du diable, où une famille est aussi retrouvée dans son salon par une servante (une personne est morte et les deux autres sont devenues folles). Les conditions sont identiques : les membres de la famille ont aussi l’air épouvantés et la police est incapable de comprendre ce meurtre.
L’entrée en scène de Sherlock Holmes permet d’élucider l’histoire, tout comme la connaissance du monde magique dans Harry Potter permet au lecteur de comprendre que les Jedusor sont morts à cause d’un sort lancé par Voldemort.
Ce lien intertextuel fort est repris tout au long de la saga des Harry Potter où Harry, Ron et Hermione prennent constamment la place du détective pour élucider les nombreux mystères qui se présentent à eux : que garde le chien Touffu ? Qui a ouvert la chambre des secrets ? Qui est le prisonnier d’Azkaban ? Qui a mis le nom de Harry dans la Coupe de Feu ?
Tous les aspects du roman policier sont présents dans les Harry Potter : les suspects, les indices, les faux-indices, le travail de recherche du détective et même les interrogatoires dans les derniers tomes. Les textes de Conan Doyle ont été repris dans de nombreuses éditions jeunesse qui peuvent permettre aux enfants de continuer l’aventure policière hors les pages de Harry Potter.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Mis à jour le19 août 2019
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