ATISE : des nanostallites chasseurs d'aurores

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Une aurore boréale sur la forêt canadienne
Une aurore boréale sur la forêt canadienne
La mise en orbite d’un satellite coûte entre 20 000 et 40 000 euros par kilogramme, auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines de millions d’euros pour la conception. Construire de petits satellites devient alors un enjeu de taille. En s’appuyant sur l'expertise en instrumentation miniaturisée du territoire grenoblois, le Centre spatial universitaire de Grenoble (CSUG) travaille avec l’appui des étudiants à développer des nanosatellites dont le poids ne dépasse pas 20 kilos. Premier lancement prévu en 2020 pour ATISE, un nanosatellite dont la mission sera l’observation des aurores boréales.

Observer les aurores boréales

ATISE, le premier projet porté par le CSUG est un nanosatellite météorologique qui a pour vocation l'observation des aurores boréales. "L'objectif est de mieux comprendre les processus d'émission de lumière et d'analyser comment la très haute atmosphère réagit au rayonnement solaire", explique Mathieu Barthélémy. "Effectuer de telles mesures depuis l'espace permet de ne pas être gêné par la météo ou la lumière du jour", ajoute Mélanie Prugniaux, chef du projet ATISE. Le projet est développé en partenariat avec le Centre spatial universitaire de Toulouse qui élabore la plateforme et les instruments de vol tandis que le centre grenoblois a la charge de l'instrumentation scientifique de mesure. Les données récoltées par le satellite seront exploitées, entre autres, par l'IPAG. Lancement prévu en 2020 depuis la Russie pour cette mission démarrée en septembre 2015. ATISE est un nanosatellite 12U, c'est-à-dire l’assemblage de 12 briques de 1U. Son poids est estimé à moins de 20 kilos et son volume est celui d'une grosse boite à chaussures. En orbite à environ 650 kilomètres de la Terre, le satellite devra être capable d'effectuer les prises de vue en zones aurorales, de communiquer avec la station au sol pour envoyer les images et de générer de l'énergie avec des panneaux solaires pour son propre fonctionnement.


Réunion de coordination dans la salle de briefing du CSUG. Sur l’écran du milieu, nous voyons le satellite ATISE.

Collaborer, la clé de l'innovation

Encadrés par les scientifiques du CSUG, une cinquantaine d’étudiants de l'Université Grenoble Alpes (UGA) et de Grenoble INP, issus de cursus et de niveaux très divers sont impliqués chaque année pour mettre au point ce cube high-tech. Soutenus par la Fondation Université Grenoble Alpes, les projets du CSUG bénéficient du mécénat de grands acteurs industriels des nanotechnologies. Pour ATISE, ce sont les industriels Air Liquide, E2V et ST Microelectronics qui apportent leur appui sous la forme de numéraire, mais aussi de mécénat de compétences et de prêt de matériel.

Après avoir défini les objectifs du projet, l'équipe d’ATISE étudie actuellement sa faisabilité et ses choix techniques. Chaque groupe d'étudiants s'est vu confier une mission visant à tester des hypothèses de conception dans leurs domaines de compétences respectifs. Mais le projet évolue en permanence, chaque groupe fait des choix qui rejaillissent sur les recherches des autres. "La grande difficulté dans le spatial, c'est que tous les sous-systèmes dépendent les uns des autres. Dès qu'un choix est fait, il doit être validé par tous les autres", confie Mélanie Prugniaux. Dans de telles conditions, une coordination efficace et des revues de projets régulières sont indispensables. À Grenoble IAE, des étudiants réfléchissent déjà au marché potentiel lié au développement de ces nanosatellites et aux possibles débouchés pour les industriels du site grenoblois.

Prendre la température

Pendant ce temps-là à l'IUT Génie thermique, Mathéo, Thomas et Matthieu sont en charge de la surveillance thermique du satellite. Leur mission : étalonner les sondes qui devront établir les températures aux différents points stratégiques du satellite. Ils s'assurent de la précision des capteurs miniatures qui seront insérés dans l'appareil en les comparant avec un capteur de référence paramétré en laboratoire (et acheté à prix fort). Ils doivent garantir des mesures fiables dans une large gamme de température. "C'est un enjeu primordial pour un satellite qui embarquera de l'instrumentation technologique dont les performances pourraient être faussées par des variations de température", explique Mathéo. "Cela nécessite de travailler en étroite collaboration avec les groupes qui s'intéressent aux risques thermiques de l'instrumentation", ajoute Thomas.

À terme, les étudiants de l'IUT mèneront une campagne de mesure chez Air Liquide, dans une chambre à vide reproduisant les conditions de l'espace.

À l’atelier soudure, Matthieu fabrique un dissipateur de chaleur pour les tests de mesures thermiques.

En voir de toutes les couleurs

Du côté de Grenoble INP, Valentin, Gilles et Benoît, trois étudiants ingénieurs spécialistes des systèmes embarqués bûchent depuis six mois sur le paramétrage du capteur et de la carte d’acquisition qui réceptionneront les mesures de spectre des aurores boréales. "On a commencé par un long travail de documentation pour s’approprier les spécifications du capteur et décoder les différents outils", raconte Valentin. Le capteur collectera des pixels qui seront ensuite envoyés vers la carte d'acquisition. La problématique des étudiants est de faire dialoguer les deux composants. Pour cela, ils vont devoir reprogrammer les différents circuits pour qu'ils répondent aux besoins spécifiques du projet et tester que les images émises par le capteur sont reçues correctement par la carte d'acquisition. "Pour détecter les éventuels problèmes dans la chaine de traitement, chaque brique de développement doit être testée de manière individuelle avant d'être mise avec les autres. À chaque étape, il faut valider que les comportements sont conservés", explique Benoit.

Exit les rayons parasites

Récupérer le spectre de l'aurore boréale sans rayons parasites, c'est l'importante tâche confiée à Hélène, Lise et Johan, étudiants du DUT Mesures physiques. Leur objectif : définir le chemin optique qui protégera les rayons utiles jusqu'au capteur et stoppera les rayons parasites. Bafflage, lentilles et miroirs sont leurs outils pour y parvenir. "Dans un si petit satellite, les contraintes sont nombreuses, confie Hélène. Nous devons travailler en concertation avec les étudiants du DUT Mécanique pour nous assurer que la dimension des baffles que nous prévoyons est conforme à l'espace disponible dans l'appareil."

Les pieds sur terre

La station sol envoie et réceptionne les données du satellite. C'est sur cette dimension du projet que planchent chaque jeudi, Théo et Alexandre, deux élèves ingénieurs en informatique et électronique des systèmes à Polytech. Ils doivent déterminer l'emplacement idéal pour cette base terrestre et choisir l'antenne qui  communiquera avec le satellite. Le territoire montagneux est un obstacle supplémentaire car les reliefs limitent le temps pendant lequel la station peut communiquer avec le satellite. "Placer la station en altitude implique aussi de fortes contraintes logistiques : accessibilité, connexion réseau...", énumère Théo. Les futurs ingénieurs ont déjà sélectionné trois antennes qui pourraient correspondre à leurs besoins, mais ils soulèvent plusieurs difficultés.  "Pour l'instant on ne sait pas encore si on va émettre et recevoir à partir du même endroit", révèle Alexandre. "Le choix de l'antenne dépend aussi du lieu où l'on va la poser, il n'y aura pas forcément les mêmes pertes, la même visibilité", ajoute Théo.

Leur idée est aussi d’optimiser la station sol pour qu'elle soit compatible avec les contraintes du second projet mis sur la rampe de lancement du CSUG : Nanobob. Et permettre ainsi de faire le grand saut entre la contemplation des aurores boréales et la sécurisation des données cryptées.
Publié le8 mars 2017
Mis à jour le7 mars 2017