Si la reproduction sexuée constitue un élément central dans la pathogénèse de la toxoplasmose et la transmission du parasite entre les animaux, cette étape clé du cycle parasitaire reste encore mal étudiée à l’échelle moléculaire, en partie dû à la difficulté à cultiver in vitro les formes sexuées ; pour des raisons évidentes d’éthique, l’utilisation de chats est quant à elle restreinte par la législation.
Pour répondre à ce défi, une équipe américaine a récemment essayé de mimer l’environnement intestinal du chat en stimulant des souris à produire des oocystes
Découvrir les travaux de cette équipe
L’équipe dirigée par le chercheur Inserm Mohamed-Ali HAKIMI, au sein de l'Institut pour l'avancée des biosciences (IAB - CNRS/Inserm/UGA), a envisagé une toute autre option qui s’affranchit de l’utilisation d’animaux de laboratoire. Leur idée fut d’imposer in vitro au parasite de changer de trajectoire développementale, son destin cellulaire étant pré-déterminé par des mécanismes épigénétiques modifiant de manière réversible, transmissible et adaptative, l'expression des gènes sans en changer la séquence d’ADN.
L’équipe montre ainsi qu’une protéine appelée Microrchidia (MORC) bloque les transitions entre les différents stades parasitaires en fermant épigénétiquement l’accès à l’ADN à la machinerie de transcription. Ce faisant les programmes génétiques codant pour les stades sexués sont muets. La preuve est apportée en inactivant la protéine MORC provoquant alors en retour l’expression d’un millier de gènes impliqués dans la formation des stades sexués.
Figure - MORC régule le cycle de vie de Toxoplasma, entre Homme et Chat. Le chat se contamine par ingestion de kystes (en violet) principalement présents chez les rongeurs parasités. Dans l’intestin du chat, les kystes vont donner les gamètes mâle et femelle qui, par reproduction sexuée vont former des oocystes (en jaune) ensuite excrétées par le chat dans le milieu extérieur et qui sont une source de contamination pour l’Homme. Une fois ingérés ils libèrent des sporozoites (en jaune) qui disséminent dans l’organisme sous forme de tachyzoites (en vert). Notre système immunitaire neutralise alors le parasite qui ira s’enkyster dans le cerveau, l’oeil et les muscles. MORC agit comme un frein qui empêche la progression du cycle parasitaire. Quand on neutralise MORC, il est possible de relancer le cycle in vitro et de produire des gamètes mâles (photo avec le flagelle marqué en rouge).
Les auteurs montrent ainsi que l’épuisement de la protéine MORC dans un parasite conduit à l’expression de gènes de Toxoplasma dont les produits forment par exemple le flagelle du gamète mâle. Ils confirment ainsi qu’il est possible de contrôler le destin cellulaire d’un parasite engagé dans un cycle très complexe faisant intervenir plusieurs hôtes dont le Chat et l’Homme (Figure). En offrant l’accès aux formes jusqu’alors inaccessibles du cycle sexué, il est maintenant possible de mieux appréhender comment cette zoonose, la toxoplasmose, a conquis la planète, mais aussi de développer des outils innovants pour le diagnostic et la production de vaccins.
Vous aimerez peut-être aussi
Contacts
Chercheur Inserm
mohamed-ali.hakimi@inserm.fr
Amélie FAUCONNET
Communication manager IAB
amelie.fauconnet@univ-grenoble-alpes.fr
Référence
Dayana C. Farhat, Christopher Swale, Céline Dard, Dominique Cannella, Philippe Ortet, Mohamed Barakat, Fabien Sindikubwabo, Lucid Belmudes, Pieter-Jan De Bock, Yohann
Couté, Alexandre Bougdour and Mohamed-Ali Hakimi Hakimi
Nature Microbiology 24 Feb 2020 DOI