Le mur de la frontière "à la" Donald Trump…

Point de vue : Anne-Laure Amilhat Szary
Société Article
Anne-Laure Amilhat Szary
Anne-Laure Amilhat Szary
Donald Trump a annoncé qu'il ferait construire un mur entre le Mexique et les Etats-Unis. Quelles seraient les conséquences d'une telle mesure ? Anne-Laure Amilhat Szary, géographe spécialiste des frontières, répond.
Le mur de la frontière à la Donald Trump n'est pas une nouveauté, c'est une recette à la mode dans un monde où les murs et barrières frontalières se multiplient. Paradoxalement, il s'agit à la fois d’un point marquant et de l'un des éléments les moins originaux du programme du président qui vient d'être élu à la tête des États-Unis d'Amérique. Le mur en tant que tel existe déjà : à l'heure actuelle, 1 100 km des 3 145 km de frontière terrestre qui séparent le pays de son voisin du sud sont fermés matériellement, auxquels s'ajoutent depuis 2007 des formes de surveillance à distance nombreuses et variées, une politique mise en place sous George W. Bush qui n'a été que partiellement infléchie par Barack Obama.

Le paradoxe de la barrière du sud des États-Unis réside dans le fait qu'elle traverse l'une des zones transfrontalières les plus intégrées du monde (plus de 300 millions de passages légaux annuels), tant d'un point de vue culturel qu'économique. Alors que l’on relie volontiers la construction du mur aux événements du 11 septembre 2001 et à la peur de la menace terroriste, c'est à partir de la signature du traité de libre-échange de l'Amérique du Nord (ALENA), le 1er janvier 1994, que les Etats-Unis ont commencé à enclore systématiquement leur limite méridionale.

Mise en scène du pouvoir


Du fait d'un coût prohibitif (augmentant rapidement de 3 à 5 millions de dollars par kilomètre construit, soient 2,5 milliards dépensés en deux ans, sans compter les dépenses d'entretien…), le mur n'est aujourd’hui finalisé que sur un tiers du tracé de la frontière. Cette somme représente à la fois un enjeu en termes de finances publiques et un marché important pour les entreprises des secteurs de la sécurité et de la défense (Boeing notamment), ce deuxième facteur étant certainement déterminant dans le projet de D. Trump. Ce qui est inédit, c'est la proposition de faire payer le mur au Mexicains, notamment par des mesures de rétorsion au niveau national (renégociation des accords commerciaux) et individuel (menace d'interdire les renvois par les migrants de leurs économies ou "remises" dans leurs familles). C'est sans doute là que le bât blesse car ces mesures sont peu réalistes. L'effet d'annonce n’est en pas moins puissant. Le mur reste une arme paysagère qui permet aux gouvernants de mettre en scène leur pouvoir. La grande muraille des Etats-Unis n'est-elle pas, comme celle qui la précéda en Chine, un signe de fin d'empire ?
Publié le15 novembre 2016
Mis à jour le16 novembre 2016